LES MARQUES FACE AU RISQUE REPUTATIONNEL

Le scandale des Ouïghours n’en finit pas de rebondir partout dans le monde. L’article du Fashion Network « Ouïghours: sur quoi repose la plainte déposée contre Inditex, Uniqlo, SMCP et Skechers? » en est un nouvel exemple.

Une marque qui se veut « Conscious » peut-elle fabriquer une partie de ses produits ou de ses matières dans une région où les Droits de l’homme et les conditions de travail sont bafoués de la sorte ?
Face au risque de boycott en Chine, une marque internationale doit-elle accepter de faire allégeance au Parti chinois ou bien doit elle sortir de ce pays pour être en accord avec les engagements qu’elle prône ?
Il y a de très belles usines partout dans le monde, en Chine, au Bangladesh ou ailleurs. Mais il y a aussi de nombreuses dérives inacceptables.
Le problème de la situation des Ouïghours n’est malheureusement pas le seul dans notre industrie. Le travail forcé sur les champs de coton en Ouzbékistan (qui semble en passe d’être éradiqué), les ateliers clandestins en Europe, les conditions de travail et de sécurité dans certaines teinturies…

Une chose est sûre : une marque qui prône des valeurs et qui prend des engagements en matière de développement durable doit maitriser ses filières de production de bout en bout. La réalité aujourd’hui, c’est que les marques connaissent (souvent mais pas forcément bien) leur rang 1 (le confectionneur ou le tricoteur) mais elles n’ont aucune visibilité de ce qui se passe en amont.

Faire signer des documents à son rang 1 est indispensable mais aucunement suffisant.

Ill ne suffit pas de faire signer à son rang 1 des conditions générales d’achat ou un code de conduite fournisseur pour être couvert et se dédouaner de toute responsabilité. Les fournisseurs, s’ils veulent garder leurs clients, doivent signer ses documents. Donc ils le font. Mais ont-ils la capacité (ou même la volonté) de les respecter ? Au pire, ils devront mettre l’usine au carré lors de l’audit annuel pour la certification qui va bien. La corruption peut aussi aider dans certains cas…
D’une part, le code de conduite doit s’appliquer aux 2 parties. Si la marque ne respecte pas ses fournisseurs où ne lui permet pas de faire correctement son travail en lui imposant des prix toujours plus bas ou des délais impossibles à tenir. Ce code de conduite ne pourra pas être respecté et seul la marque en sera responsable.
D’autre part, la marque a la responsabilité de choisir ses fournisseurs. Autant choisir les bons.
Enfin, même si le confectionneur respectent ses engagements sociaux et environnementaux. Qu’en est il pour le reste de la supply chain ?

risque reputationnel 2

La réalité du terrain est très différente de celle qu’on peut imaginer derrière un écran à Paris.

La réalité c’est qu’il n’y a pas de vraie matière dite écologique disponible pour tout le monde. La réalité c’est que certains certificats sont des faux. La réalité encore, c’est que certaines usines ont un double comptage des heures travaillées, le comptage officiel en journée et les heures non comptabilisées et non payées le soir…
Donc, non il n’est pas possible de savoir comment sont fabriqués ses produits si on ne se déplace pas régulièrement sur l’ensemble de la filière.

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Bref, une marque occidentale ne peut pas être dupe et ne peut plus dire qu’elle ne savait pas

Les consommateurs veulent de la transparence. Cette situation oblige l’ensemble des acteurs du marché à ne plus rester immobile sur les questions sociales et environnementales.
Mais prendre des engagements et les faire respecter implique un changement profond de logiciel. Il ne s’agit plus d’acheter un prix et un délai. Il s’agit de connaitre ses partenaires, les conditions de fabrication du produit de bout en bout et de contrôler l’ensemble des étapes et les certifications.

La traçabilité est la 1ère étape incontournable à l’éco-conception et à la maitrise des conditions sociales

Sauf que nous sommes dans une industrie très morcelée avec des acteurs situés aux 4 coins du monde. Cartographier l’ensemble de ses filières est un travail de fond. Mais c’est une étape cruciale pour être capable de tenir ses promesses.
Dans le cas contraire, les marques continueront à mettre en danger leur principal actif : leur réputation. Le greenwashing n’est pas sans danger. Ceux qui pensent que d’être impliqué dans un scandale comme le Rana Plaza par exemple n’aura finalement que peu de répercussions sur leurs ventes se trompent lourdement. La décroissance continue depuis plus de 10 ans, en France et dans de nombreux pays occidentaux, s’explique par ne nombreux facteurs notamment le désenchantement de la mode aux yeux des citoyens et son cout social et environnemental considérable.

Et les nouvelles générations ne pardonneront pas

Manifestation pour le climat

Donc oui les marques et les enseignes ont une pleine et entière responsabilité de

  • veiller à ce que leurs produits soient fabriqués dans les bonnes conditions sociales et environnementales
  • engager leurs filières dans une démarche de progrès

Il s’agit non plus d’un travail d’acheteur mais de batisseur. Chaque partie prenante de la filière doit prendre ses responsabilités mais la marque est et restera le chef d’orchestre.

Alors la mode pourra à nouveau enchanter !

 

https://fr.fashionnetwork.com/news/Ouighours-sur-quoi-repose-la-plainte-deposee-contre-inditex-uniqlo-smcp-et-skechers-,1294429.html

http://www.ilo.org/global/about-the-ilo/newsroom/news/WCMS_769038/lang–fr/index.htm

https://www.lefigaro.fr/international/2017/03/30/01003-20170330ARTFIG00255-chasse-aux-clandestins-a-prato-le-plus-grand-chinatown-d-italie.php

Photo / Champ de coton / OIT Infos

Photo / Atelier / Figaro

 

 

 

Louis-Marie Vautier

Gérant - Co-fondateur GOODFABRIC

Louis-Marie Vautier is the co-founder of GOOD FABRIC and the FOOTBRIDGE platform, which specialize in traceability and eco-design in the textile industry. As a committed entrepreneur, he works to make fashion more sustainable and transparent through innovative solutions. His approach significantly contributes to improving environmental practices in fashion by combining field experience, technology, and ecological responsibility.

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